Zack Lorell Melvar

Zack avait toujours été grand. Depuis le collège, il avait toujours été au dessus de la moyenne, et à dix-huit ans, il approchait du mètre quatre-vingt-dix. Sa peau était blanche et fine, presque aussi blafarde qu'un cachet de Doliprane®, et elle le restait malgré tous ses efforts pour bronzer ! Son corps était fin, et contre toute apparence, il était musclé par un entraînement régulier. Le taekwondo avait affiné ses longues jambes, et son tronc restait bien dessiné sous ses chemises.

A l'image de son corps, son visage était allongé, aux contours fins et bien dessinés. Un nez droit, des pommettes hautes et un front tout aussi haut, une bouche fine et toujours composée d'un léger sourire … Ses yeux d'un vert émeraude, fondus sous des mèches brunes à l'origine mais désormais teintées d'un gris cendré, en ressortaient d'autant plus.

A son oreille gauche, un petit anneau d'argent se balançait, soulignant un regard où des lueurs de rébellion brillaient de temps à autre.

Zack avait toujours su choisir ses tenues. Dans la ville, il portait ce qu'on attendait de lui. Un beau jeune homme se devait de se montrer, aussi portait-il des vêtements chics sans toute fois être trop chers, souvent près du corps, un peu aguicheurs …

Mais dès qu'il franchissait la frontière du ghetto, il se libérait de tout cela, et revenait aux vêtements larges et confortables, bien plus pratiques tant pour son travail que pour vagabonder ...

Depuis sa plus tendre enfance, Zack voulait aider les gens. Serviable, toujours poli, il avait un sens du respect d'autant plus impressionnant que sa mère ne lui avait pas enseigné plus que ça cette notion. Certains adultes, surpris de tant de politesse, avaient parfois pensé qu'il se moquait d'eux. Mais il était ainsi avec tout le monde, et faisait la fierté de sa mère lorsque, même après des années, ses collègues lui répétaient « Quel enfant poli ! Vous l'avez si bien élevé ! ».

Zack adorait sa mère. Il avait pour elle une admiration sans bornes, et c'était ce qui le poussait à être toujours plus agréable et ordonné, lui facilitant un maximum le travail à la maison.

Dans ses études, Zack savait être studieux lorsque cela s'imposait. Mais comme tout adolescent, il avait aussi besoin de s'amuser, et on ne comptait plus les fois où, après avoir passé des heures à bricoler un jouet fait de carton, de bois et de colle en tout garçon habile et débrouillard qu'il était, il sortait en courant de sa chambre, dévalisant les escaliers pour montrer sa nouvelle trouvaille à sa mère et à ses amis.

La bonne humeur coulait toujours dans ses yeux et sur son visage. Il était grand et fort, et son simple sourire attirait filles et garçons. Il était toujours très entouré et on pouvait compter ses amis par dizaines.

Mais avec le temps, cette bonne humeur était devenue une apparence. Le coma de sa mère changea tout pour lui. Derrière ses airs polis, Zack était devenu très opportuniste. Il savait se sortir de folles situations, se servant de son apparence, maniant les mots avec merveille pour manipuler les gens sans qu'ils n'aient aucun soupçons … Il développait une haine profonde contre le gouvernement et contre tous les puissants.

Sa fidélité, pourtant totale, n'allait que vers les plus faibles, que vers les ghettos, et il aimait se servir des autres pour arriver à ses fins, jouant son rôle à merveille.

A seize ans déjà, il avait décidé qu'il la vengerait. Il vengerait sa mère et tous ceux qui avaient souffert par l'incompétence du gouvernement.

Dans la chambre aux murs clairs, la douce lumière du soir s'insinuant entre les rideaux de couleurs, une jeune femme s'émerveille. Dans ses bras, tout contre son sein, un enfant s'endort. La jeune femme pose sur lui un regard chargé d'amour et de tendresse. Son fils, si jeune, si mignon … Elle le berce encore quelques minutes puis le dépose dans son petit lit, le couvrant d'une couverture pour qu'il n'ait pas froid, ramenant peluches et jouets autour de lui pour ne pas qu'il se sente seul …

Dégageant son front des légères mèches brunes, elle y dépose un baiser avant de se redresser. Comme elle l'aime, ce petit homme ! Il est tout ce qu'elle a, tout ce qui lui reste …

Sur le pas de la porte, elle lui lance un dernier regard. C'est son fils. Elle l'a porté seule, sans personne à ses côtés … Elle l'élèvera seule, elle l'aimera, elle le chérira plus que son âme le lui permettra … Et même si le père revenait, elle ne le lui laisserait pas. Qui voudrait d'un homme qui vous abandonne après vous avoir mis enceinte ? Non, elle n'avait pas besoin de lui. Son fils sera heureux sans père, elle en fait la promesse …

Refermant la porte de la petite chambre, elle sourit. Ça sera difficile, mais elle y arrivera. Elle le sait. Avec son fils à es côtés, elle sait qu'elle réussira tout.

~ ¤ ~

– Maman ! Maman ! Regarde ce que tante Ania m'a envoyé ! s'écrie le petit garçon en courant vers sa mère, un gros paquet sur les bras.

Un large sourire s'étend sur son visage alors qu'il le tend vers elle.

– Waouh ! Qu'est-ce que c'est ?

– Un kit pour faire des savons ! reprend la voix claire.

La maison est décorée de partout. Des ballons pendent au plafond, aux tables, des guirlandes transforment l'escalier en champs de bataille. On rit, on s'amuse.

Le prince de la journée s'extasie devant le paquet de sa tante, désireux de le montrer à tous les invités. Avec ces savons, il pourra aider sa mère à soigner les malades des ghettos … Mais chut, il n'a pas le droit de le dire, ça doit rester secret !

– N'oublie pas de la remercier.

– Je lui ai déjà envoyé un mail.

– Tu es adorable, sourit sa mère en déposant un baiser sur sa joue. Va voir sur la table dehors, il y a une surprise.

Au comble du bonheur, Zack se précipite dehors, son paquet toujours sur les bras. Sur la petite table de bois, au milieu des invités, un gros gâteau aux fruits rouges n'attend que lui. Il pousse une exclamation ravie et pose sa charge sur une chaise, embrassant sa mère qui l'a suivit.

Son gâteau préféré ! Zack raffole des fruits rouges ! Comment ne pas fondre devant une coupe de framboises cerclées de chantilly ? Devant un bol de cerises noires et sucrées ?

Sa mère le regarde s'extasier, lui faisant signe de se servir. Elle rit quand, fidèle à lui-même, Zack commence à servir les invités. Il ne se sert jamais en premier, même quand il s'agit de son plat préféré ! Le respect et la politesse sont ses mots d'ordre.

// Au moins une chose qu'il n'a pas de son père // songe la jeune femme.

Chaque jour elle soupire de le voir grandir encore. Son fils est grand, comme l'était son père … Il a ses cheveux, ses yeux d'émeraude, sa peau blanche, son visage si fin … Il lui ressemble tellement ! Chaque jour elle craint de le croiser dans la rue, chaque jour elle craint qu'il ne revienne et que Zack ne le reconnaisse … Mais il n'est pas le même, il n'est pas lui. Son fils est bon, gentil, affectueux, respectueux … Il est tout ce que son père n'était pas … A l'intérieur. Elle l'aime tellement …

L'enfant de six ans revient la chercher, lui tendant une assiette pleine d'une énorme part de gâteau.

– Tiens maman.

– Merci mon ange.

Puis, l'embrassant, elle souffle :

– Bon anniversaire.

Elle n'a jamais été aussi heureuse qu'avec le petit être courant dans la maison. La joie et l'amour, c'est ce qu'elle connaît chaque jour depuis six ans.

~ ¤ ~

– Mais dis-moi, tu es sûre que tout va bien en ce moment ? demande une jeune femme à son amie.

– Bien sûr, pourquoi ?

– Eh bien …

Accoudée à la table, elle cherche un instant ses mots.

– Tu élèves un enfant seule, ça ne doit pas être facile financièrement, si ?

L'autre sourit.

– Ne t'en fais pas, je me débrouille. Avec mon métier d'éducatrice, je gagne assez pour qu'on vive assez bien tous les deux. Et puis Zack est très économe, il fait très attention à tout ce qu'il fait.

– Mais il vient de rentrer au collège, non ?

– Il vient d'avoir douze ans, c'est sa deuxième année.

– Méfies-toi, la fille de ma sœur est adolescente, elle est infernale ! Il paraît qu'elle passe son temps à vouloir acheter de nouvelles choses qu'elle jette à peine deux jours après ! Franchement, quelle génération … Je n'étais pas comme ça, moi ! Tu vas commencer à avoir des problèmes avec lui …

Un éclat de rire retentit.

– Mon fils sait se maîtriser. Je me demande parfois même s'il est adolescent, ajoute-t-elle dans un soupire. Tu sais, si j'ai des problèmes, mes parents sont fonctionnaires d'État à Tao1 et ma sœur est mariée à un haut fonctionnaire à Tao3. Non, je m'inquiète plus pour mon fils que pour les problèmes financiers. Il est si gentil … J'ai un peu peur qu'il ne soit blessé par quelqu'un, à force d'accorder sa confiance à tous ces gens …

L'autre soupire à son tour.

– Malheureusement, ça arrivera bien un jour. Il y a tellement de mauvaises personnes dans cette saleté de société … Et tant d'innocents miséreux …

– Mesure tes paroles ! On pourrait t'entendre !

Alors les deux jeunes femmes se taisent. Mais toutes deux savent qu'intérieurement, elles en pensent le double. Quelle société mettrait au banc des innocents ? Quelle société surveillerait ses habitants ?

L'une se lève. Il est temps de rentrer, son fils doit déjà être à la maison … Le lendemain, elle irait dans les ghettos. Si elle pouvait apporter la connaissance aux enfants, elle arriverait bien à faire bouger les choses …